L'ancien hôtel de ville d'Aubonne

 


 

Les hôtels de ville trouvent leur origine vers la fin du Moyen-âge, époque vers laquelle la bourgeoisie des villes s'émancipe de plus en plus de la domination des Seigneurs et fait alors construire des édifices pour y abriter leurs magistrats investis des pouvoirs de gestion des biens de la communauté locale. Ainsi, dans les cités d'une certaine importance, on trouvera l'église qui symbolise la religion, le château qui représente la féodalité et enfin l'hôtel de ville, marque de l'existence d'une vie vie publique organisée.

 

En règle générale, l'hôtel de ville comprend au rez-de-chaussée des halles utilisées comme marché couvert, tandis que le premier étage est à l'usage du Conseil de la ville pour ses délibérations. Quelquefois, un tel édifice peut être flanqué d'une petite tour utilisée comme clocher pour appeler les habitants aux assemblées communales ou les avertir en cas de danger. Tel ne semble cependant pas avoir été le cas avec le premier hôtel de ville d'Aubonne, qui a conservé ses proportions d'origine - relativement modestes -  et sans ornementation excessive.

 

Au fil des siècles, les proportions de la construction, ainsi que la variété et la richesse de la décoration extérieure et intérieure présentée par les hôtels de ville, deviendront les témoins de l'importance croissante prise par la bourgeoisie de certaines villes. Témoins en sont ceux qui ont subsisté de nos jours (Morges ou Lausanne par exemple).

 

 

A Aubonne, l’ancien hôtel de ville, situé actuellement au numéro 2 de la rue Tavernier (rue de « l’ancien Marché » sur le plan de 1851) est compris bien évidemment dans la zone de la vieille ville.

 

Ce premier hôtel de ville de la cité, avec ses halles (arcades) caractéristiques, est situé entre la rue Tavernier (anciennement rue du Marché) et la ruelle du Soleil-Levant (anciennement "rue Punaise"). Il semble avoir été édifié vers le début du XVI ème siècle. Les halles seront utilisées jusqu’en 1802, année de la construction des nouvelles halles à la Place du Marché actuelle au Sud de la ville sur l'emplacement des anciennes boucheries  et d'une grange.

 

 

C’est en effet dans la première moitié du XVI ème siècle que la Noble Bourgeoisie d’Aubonne fait construire sa première maison de ville située à la rue du Marché. Au rez-de-chaussée, on peut encore apercevoir deux arcades, dont l’une est actuellement murée qui permettait d’accéder aux halles où avait lieu le marché.

 Bâtiment communal de toute première importance, cet immeuble a été affecté aux fonctions sociales de la Ville d’Aubonne dés sa construction. La salle de réunion du Conseil de la Noble Bourgeoisie était située au 1er étage de l’édifice, où il siégera jusqu’au début du XVIII ème siècle.  Mais bientôt, le Conseil va acquérir un nouvel immeuble au Sud de la ville, derrière la Tour de l’horloge, sous laquelle existe un passage étroit qui constituait l'une des portes de la ville donnant accès au Lignolat et au Sud est de la ville et au-dessus de l'entrée duquel était apposé la pierre armoriée aux couleurs de la ville avec la date de 1550,  conservée dans l'actuel hôtel de ville (cage de l'ascenceur) .

 Après sa désaffectation comme lieu de réunion du Conseil, le bâtiment sera utilisé successivement comme école pour les filles, puis comme fromagerie au rez-de-chaussée, avant que la Commune ne prenne finalement la décision de vendre l’édifice à Aloïs Ambühl, boucher en cette ville, le 13 novembre 1841. Il est intéressant à cet égard, de se rapporter ci-après aux nombreuses délibérations de la Municipalité, ainsi qu’aux tractations avec des tiers [1] qui ont précédé la vente de cet édifice communal.

A. DESCRIPTION GENERALE DE L’EDIFICE

L’édifice est placé quasiment au centre du quartier historique du bourg, dans lequel se trouvent les plus anciens bâtiments d’Aubonne édifiés au pied du château, parmi lesquels l’église de la ville (Temple). Il comprend deux étages sur voûtes - dont l’une est condamnée -, qui lui confère son aspect particulier dans le quartier, outre ses fenêtres géminées à accolades de style gothique.

 

 1. La façade donnant sur la rue Tavernier

 La façade la plus caractéristique de l’édifice, orientée NE, borde la rue Tavernier (rue de l’Ancien Marché), qui a connu les marchés durant le Moyen-âge, jusqu’en 1802, date à laquelle ils sont transférés au sud de la ville, à l’emplacement actuel des halles, sur l’actuelle Place du Marché.

 

Comme c’est le cas pour plusieurs immeubles de la rue Tavernier, cette façade a conservé des éléments de style gothique d’un grand intérêt architectural (fenêtres en accolade), marquant la période durant laquelle elle a été édifiée (fin XV ème – début du XVI ème).

 

La seconde voûte des halles de la ville, condamnée à une période non connue, devait probablement être ouverte à son origine, un escalier d'accès à l'étage étant ménagé  à ce niveau  (est-ce à l'époque où l'édifice alors encore propriété de la ville, mais qui n'était plus utilisé pour les marchés déplacés au sud de la ville, a été affecté dans sa partie inférieure à l'installation d'une fromagerie ?) .

Des recherches complémentaires seraient de nature à éclairer ce point resté obscur.

 

 

2. La façade donnant sur la rue du Soleil-Levant

 

La façade arrière de l’immeuble, orientée SO, ferme la placette du Soleil-Levant, où se trouve l’entrée de l’immeuble qui donne accès aux escaliers qui assurent la distribution actuelle de l’immeuble.

 Dans son aspect actuel, cette façade ne présente pas en revanche d’éléments architecturaux d’intérêt majeur, en raison notamment des différents aménagements qui y ont été apportés au cours des siècles.

 

Il se peut toutefois que les murs aient conservé la trace de percements et d’ouvertures condamnés postérieurement, éléments qui pourront être mis en évidence à l’occasion d’une restauration de l’édifice.

 

 

 

3. Le rez-de-chaussée et les anciennes halles (arcades)

     

Le rez-de-chaussée présente la particularité de l'existence d'un passage public permettant de passer de la place du Soleil-Levant à la rue Tavernier (ou l'inverse), qui provient de la fonction donnée originellement à l'édifice (hôtel de ville et marché).

 

B. LA VENTE DE L'ANCIEN HOTEL DE VILLE D'AUBONNE (de 1839 à fin 1841)

 Les relations données ci-après retracent les délibérations de l'exécutif aubonnois entre les années 1839 et 1841. A leur lecture, il apparaît que la question de la vente de l'édifice est évoquées au sein de la Municipalité dès 1839. En effet, ayant acquis le château en 1835 pour y loger notamment les écoles (déplacées de la Place du Temple à la Place du Marché en 1803) et les prisons, l'usage et le maintien de cet immeuble qui abrita l'école des garçons, puis l'école des filles, conjointement avec une fromagerie artisanale installée au rez-de-chaussée, ne s'avérait plus nécessaire.

Toutefois, les documents d'archives (registre des délibérations du Conseil) font ressortir le fait qu'une telle vente n'a pas été aussi simple qu'il n'y paraissait de prime abord, compte tenu du prix minimal de la transaction que s'était fixé la Municipalité. Finalement, c'est en 1841 que le bâtiment communal trouve un acquéreur en la personne de M. Aloïs Ambühl, que les descendants revendront à la famille Jaques, actuels propriétaires.

 

1839

Préavis municipal en vue de la vente de « l’ancien bâtiment des halles » (ancien hôtel de ville), qui abritait alors l’école des filles

1840 (19.09)

Dans le cadre de la séance tenue ce jour, la Municipalité est informée que le Conseil de l’Instruction publique doit se rendre en corps ou par délégation en cette ville afin de faire la reconnaissance d’un appartement & deux salles, destiné aux deux écoles de garçons – Une délégation de ce corps, composée de MM. Monay & Charbonnier, est invitée à s’y rencontrer de concert avec M. Le Syndic (Bertholet), laquelle est priée de faire voir en même temps audit Conseil les appartements et salles destinées aux filles, afin que ces derniers soient acceptés, conformément à la Loi du 24 janvier 1834, et ce, d’ailleurs, pour répondre au contenu de la lettre de la commission d’inspection des écoles du 27 août écoulé.

1840 (26.09)

Décision de principe de la vente de l'ancien hôtel de ville : La Municipalité ayant décidé à l’unanimité le principe de la vente du bâtiment servant conjointement aux écoles de filles et à la fromagerie, la date de la mise est fixée au 14 novembre 1840, après qu’un avis inséré dans la feuille publique, publié et affiché deux dimanches au sortir du service divin (culte) l’aura annoncée. Le secrétaire du Conseil est chargé d’aviser la section des finances en vue de la rédaction des conditions de la vente, lesquelles seront soumises au préalable à la sanction de ce corps.

1840 (14.11)

1ère mise

Mise du bâtiment (fromagerie) sans résultats : Conformément à la procédure adoptée, la Municipalité a annoncé la mise de l’édifice aux enchères publiques dans la feuille publique, par publications d’affiches au pilier public de cette ville. Sous les conditions déposées aux archives, destinées en particulier à maintenir le passage (sous la voûte) tel qu’il existe, le bâtiment était estimé par la Municipalité à trois mille francs ; montant qui ne retint pas l’intérêt d’éventuels amateurs. Puis, ensuite, à deux milles cinq cent, prix qui n’intéressa pas plus un enchérisseur potentiel. Face à cette situation, la Municipalité ne crut pas devoir poursuivre l’opération. La Section des Domaines fut alors chargée de présenter un plan utilisant ce bâtiment.

1841 (30.01)

Rapport de la commission sur les travaux à entreprendre : La section des domaines chargée le 14 novembre 1840 de produire un plan et devis en vue de l’utilisation du bâtiment de l’ancien collège de filles, à la suite de la mise infructueuse de cet immeuble qui eut lieu le même jour, dépose un plan et devis pour les réparations à faire tant au plain pied, pour servir de fromagerie, que dans les appartements du dessus pour être loués s’élevant à la somme de xxx Fr. (montant non précisé dans le registre). Puis, il est précisé qu’à la suite des réparations envisagées, la Société de fromagerie serait disposée de porter le prix de sa location à cent vingt francs, offre que la Municipalité accepte pour autant que les frais ne dépassent pas la somme portée au devis présenté. A cet effet, elle prie la commission composée de MM. Ewahl et Charbonnier d’examiner ce devis et faire rapport sur l’ensemble

1841 (05.02)

Nouvelle proposition de vente du bâtiment : La commission, chargée à la dernière séance d’examiner scrupuleusement les devis présentés pour les réparations à faire dans l’ancien bâtiment servant de collège pour les filles et pour la fromagerie, relève dans son rapport qu’il y aurait de nombreux ouvrages omis dans le devis présenté et pour une somme excédant de plus d’un millier de francs. Elle demande par conséquent s’il est convenable de réparer ce bâtiment plutôt que d’en préconiser la vente. Après délibérations, la Municipalité décide alors de relancer le principe de la vente de l’immeuble par voie d’adjudication en arrêtant la date du 15 février 1841 pour une nouvelle mise.

1841 (15.02)

2ème mise

Nouvelle adjudication refusée : A la suite de l’avis publié le dimanche précédent annonçant pour le jour dit la mise du bâtiment des vieilles halles mis en vente avec les conditions lues pour le prix de 2’500 francs, la Municipalité constate qu’il n’y a point eu d’acquéreur potentiel qui se soit manifesté, puis ensuite pour 2’000 francs, il a été enchéri de 20 francs seulement, soit à deux milles et vingt francs. Estimant toutefois ce prix inférieur à celui de la valeur réelle, la Municipalité en a refusé l’adjudication.

1841 (20.02)

Offre « spontanée » de 2'500 francs : M. Alexandre Chambordon se présente et fait une offre de 2'500 francs (deux milles cinq cent) pour l’acquisition de la maison des vieilles halles, offre acceptée par la Municipalité. La section des finances, chargée de faire stipuler une promesse de vente notariée en tous points, conforme aux conditions de vente, à l’exception des lais (lods, soit droits de mutation ?) à quatre pour cent qui sont retranchés. Il ne semble toutefois pas que cet acquéreur potentiel ait poursuivi ses démarches au vu des délibérations rapportées ci-après !

1841 (03.04)

Délibérations touchant les amodiations : On décide d’annoncer l’amodiation (location) des appartements des Vieilles halles, ainsi que des terres à miser sur le chemin Pélissier ( ?).

1841 (19.06)

Amodiation : La maison des vieilles halles étant inoccupée, un avis en annonçant le louage sera fait et publié dès demain pour samedi

1841 (13.11)

3ème mise

Vente du bâtiment pour 3'300 francs : Le bâtiment des vieilles halles, annoncé de nouveau vendable à l’enchère ce jour a été expédié au plus haut et dernier enchérisseur, Aloys Ambühl, boucher en cette ville, pour le prix de 3'300 (trois milles trois cent) francs, avec les clauses et conditions souscrites réciproquement par timbre sur les documents qui sont en rapport. La Municipalité approuvant cette vente, un préavis sera soumis au Conseil communal. La section des finances en est chargée.


 

[1] Registre des séances de la Municipalité, années 1840 et 1841 (Source : ACA)

                                                   

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